
Chavirer de Lola Lafon
Éditions Actes Sud
Sortie le 19/08/2020
Note : 4/5
Entre 1984 et 1994, des centaines d’adolescentes ont cru qu’on leur offrirait une bourse pour réaliser leur rêve. La fondation Galatée promettait à toutes ces jeunes filles de leur ouvrir les portes du succès. Mais pour cela, elles devaient se montrer digne de leur confiance et de leur investissement. Elles devaient être « matures » et être les meilleures. Mais en 2019, quand une série de portraits refait surface, c’est l’autre versant de cette histoire qui entre dans la lumière…
Le dernier roman de Lola Lafon est glaçant. Avec une écriture ciselée, une construction parfaitement maitrisée et une héroïne tout en complexité, ce roman est tout aussi troublant qu’émouvant.
Cléo a 13 ans quand commence le récit. Elle est passionnée de danse et ne rechigne devant aucun sacrifice. Son corps est douleur, élongation et ecchymose mais elle est vivante… Quand elle rencontre Cathy, une femme d’une grande classe et qui lui offre des cadeaux hors de prix, ce corps qu’elle façonne et qu’elle fatigue devient l’objet de tous les désirs.
Sans que rien ne filtre, que rien ne s’envisage, que rien ne dénonce, elle va être victime d’abus sexuels. Mais si ces actes ignobles ne la détruiront pas, c’est la honte de ses complicités futures qui vont la hanter.
C’est une chose curieuse que de rouvrir une boîte à souvenirs; on a le geste sûr, on ne doute pas que le passé aura la mine touchante d’une vieillerie démodée. Mais les regrets se révèlent intacts, tranchants.
Cléo a 48 ans quand se termine le récit. Elle a survécu, sans pardonner mais en tentant d’oublier. Le passé qui la ronge devient plus dur à enfouir et les mots, les actes et les devoirs refluent en force à son esprit.
Elle doit se dénoncer. Elle doit demander pardon aux autres victimes. Car elle savait… Et elle n’a rien fait, rien dit, rien arrêter…
Chavirer est un roman où le mal trouve sa place dans les moindres recoins, les plus petites failles, les ombres dévorantes. Mais c’est aussi l’histoire d’une femme qui se bat pour ne pas sombrer et qui, même tard, affrontera son passé…
L’affaire Galatée nous tend le miroir de nos malaises : ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche; ces hontes minuscules, de consentir journellement à renforcer ce qu’on dénonce.
Ils en parlent aussi :
Floandbooks ♦ Mumu dans le bocage ♦ L’ourse bibliophile ♦ Vagabondage autour de soi ♦
Chavirer, un des roman marquant de cette rentrée littéraire d’automne. J’ai apprécié ce roman qui ouvre tant d questions face au silence. (https://frconstant.com/2020/10/21/chavirer/ )
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Tout à fait d’accord !! J’avais lu ton article avec plaisir (et je vais l’ajouter de suite…)
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Oui un roman qui marquera la rentrée littéraire. Le plus abouti de l’Autrice me semble-t-il et ravie qu’il est rencontré l’enthousiasme de nombreux lecteurs. C’est vraiment bien mérité. Merci pour le lien 😉
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C’est vrai que c’est aussi celui que j’ai préféré de l’auteur. J’aime son écriture ciselée, qui touche sa cible avec finesse…
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Une lecture passionnante à plus d’un titre.
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Passionnante c’est le mot 😉
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au début je n’avais pas envie de le lire car j’avais lu « le consentement » peu de temps avant …
Finalement comme toutes les chroniques font l’éloge je l’ai rajouté à ma PAL en attente à la BM
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Je n’ai pas lu le consentement, mais celui-ci est particulièrement réussi 😉
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il fait partie de ceux qui m’ont marquée cette année!
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Je pense qu’il me restera aussi en mémoire…
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